Une Rose croissait à l’abri d’un buisson,
Et cette Rose un peu coquette,
N’aimait point son humble retraite ;
C’était même, à l’entendre, une horrible prison.
Son gardien lui disait : « patience, ma chère,
« Profite de mon ombre, elle t’est salutaire ;
« C’est elle du Midi qui t’épargne les feux ;
« Grâce à mes dards épineux,
« Des insectes rongeurs tu ne craint point l’outrage ;
« je te défends encor des vents et de l’orage ;
« Chéris donc ton asyle obscur :
« Il n’est pas beau, mais il est sûr. »
La Rose est indignée, elle n’en veut rien croire :
« Vivre ainsi, c’est vieillir sans gloire... »
Un bûcheron paraît : -« Accours, dit-elle, ami,
« Sois mon libérateur, fais tomber sous ta hache
Le manant empressé n’en fait pas demi,
Il abat le buisson. Partant plus de tutelle.
La Rose de s’en réjouir ;
Elle va donc s’épanouir,
Charmer tous les regards, attirer autour d’elle
Le folâtre essaim des zéphirs...
Rose, on va l’appeler des Roses la plus belle...
O fortuné destin ! ô comble de plaisirs ! !...
Tandis que la jeune orgueilleuse
Rêve ainsi le bonheur et rit d’enchantement,
Voilà qu’une chenille hideuse
A découvert sa tige, y grimpe lentement
Et sur son bouton frais se traîne insolemment.
Un escargot plus vif encore
Vient souiller ses appâts naissants ;
Le soleil à son tour, de ses rayons brûlants,
La frappe : elle se décolore.
Dans le chagrin qui la dévore
Elle songe au buisson ; mais regrets supeflus !
Ce doux abri n’éxiste plus.
Qu’arriva-t-il ? La Rose
Se fane, tombe, meurt, hélas ! à peine éclose .
N’oubliez pas cette leçon,
Innocentes beautés, orgueil de vos familles :
Vos mamans, voilà le buisson ;
Croissez toujours à l’ombre ou gare... les chenilles.