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La fraîcheur des Roses

 Nous savons que la vie encombre le lointain
 De sa dangereuse marée.
 Et pourtant à travers la fenêtre carrée,
 Vois le beau temps de ce matin !

 Le jardin mûr frémit, plein de choses écloses,
 Mais les Rosiers, mais les Rosiers !...
 Ce jour sera comme un brasier.
 Où vivra la fraîcheur émouvante des Roses.

 Quand nous nous pencherons pour respirer leur coeur,
 Elles nous mouilleront la bouche ;
 Elles pleurent quand on les touche,
 Car un peu d’eau nature est dans leur profondeur.

 Elles ont le contour lisse des belles joues ;
 Elles ont du soufre et de l’or.
 Les rouges ont troué tout le vert du décor,
 De leur impérieuses roues.

 Les froides blanches vont mourir de pureté,
 En leur douceur de lingerie ;
 Mais la passionnée et pâle Rose thé,
 Embaume encore défleurie.

 Et si la chaleur rend vineux,
 Le sang moins délicat des larges Roses roses
 L’une d’elle va choir sans causes,
 Lourdes au bout d’une tige où s’en balançaient deux...

 Toutes nous vous prendrons en boutons ou vieilles,
 Et nous presserons sur nos coeurs,
 Inégales de taille, humides et ceuillies,
 Vos verdures et vos couleurs,

 Roses, chair végétales ineffablement creuse,
 Pleine de sucre et de parfum,
 Par qui, si vous vous comblez nos pauvres amoureuses,
 Nous oublions la vie et son sens opportun.

Lucie Delarue-Mardrus

 

 

journal des roses

janvier 1909

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