Sully- Prudhomme
Il ne faut déplorer ni la grâce éphémère
De la Rose qui naît, ni sa fragilité,
Mais admirer l’arbuste en sa fécondité,
Quand les Cieux ne sont pas d’une tristesse amère.
Gardons-nous de porter un jugement sommaire
Sur les bijoux sans prix que nous donne l’été ;
Leur existence est brève, écueil immérité ;
Mais notre amour pour eux n’est pas une chimère.
O sympathiques fleurs, météores captifs,
Faites luire à nos yeux vos sillons fugitifs,
Brillez un jour ou deux, puis tombez, dispersées.
D’autres, vos jeunes sœurs, qu’attend le même sort,
Naîtront et, comme vous par la brise bercées,
S’éteindront doucement ; noble vie, humble mort !
Journal des Roses
Août 1911