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Rose et Chrysanthème (Dialogues)

La Rose
 Mais quel est tout ce bruit autour du Chrysanthème
 Et pourquoi sur son front poser un diadème ?
 On dirait, à le voir, ce méchant envieux,
 Qu’il renverse mon trône à son souffle orgueilleux.
 Croirait-il que je crains sa personne massive,
 Ou sa voix d’outre-tombe, ou sa face pensive ?

Le Chrysanthème
 Madame, je ne sais quelles rares vertus
 Me méritent l’honneur d’être par les élus,
 Mais il faut que le monde ait compris que ma grâce
 Equivaut à la vôtre et parfois la dépasse,
 Pour qu’il vienne aujourd’hui dans l’arrière-saison
 Me donner ses faveurs et m’ouvrir sa maison.

La Rose
 Votre rivalité ne m’est point dangereuse ;
 Vous paraissez un temps dans la saison affreuse !

Le Chrysanthème
 Je parais quand la brise effeuillant sans pitiè
 Vos pétales fanés les repousse à mon pied ;
 Oui, j’éclos et je meurs comme, hélas ! toutes choses,
 Mais on sait, comme moi, ce que vivent les roses...

La Rose
 Mais je donne aux humains, sous de fraîches couleurs,
 Le parfum de ma chair...

Le Chrysanthème
 Et de vives douleurs
 Accompagnent toujours vos caresses divines.
 Et l’on dit qu’"il n’est pas de roses sans épines !"

La Rose
 Quel est votre parfum, vous qui parlez si bien ?

Le Chrysanthème
 Celui le plus discret de ne sentir à rien !
 Votre corps, imprégné d’une odeur si troublante,
 Qu’effleurent un moment les lèvres de l’amante
 Se fane entre ses doigts le soir du même jour,
 Comme passe l’oubli sur le front de l’amour.
 Je rappelle du moins le parfum de ces choses,
 Et suis le souvenir sur la tombe des Roses.

La Rose
 Oh ! monsieur l’immortel, oui, je meurs, il est vrai,
 Mais le pied qui me porte est solide et vivrait
 Plus d’un siècle debout...

Le Chrysanthème
 Et le mien, s’il s’efface,
 En produit plus de cent fleurissant à sa place.

La Rose
 Enfin, malgré vos bonnes raisons,
 Vous n’êtes que la fleur des arrière-saisons !

Le Chrysanthème

 Je suis l’apothéose aux couleurs infinies,
 La synthèse des fleurs, je résume leurs vies,
 Et suis triste parfois de leur pire destin.

La Rose
 Votre nom ne dit pas puisqu’il est masculin,
 Que vous symbolisiez la grâce souveraine.
 Et c’est moi, qui des fleurs, serai toujours la Reine.

Le Chrysanthème
 La Reine, je veux bien, mais la Reine aprés moi !
 Je partage le trône et je signe : le Roi !


Julien César, d’Alais

 

 
Bulletin de la Société d’horticulture de Saint-Quentin


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