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Les trois roses

Par un beau jour de juin, aux rayons de l’aurore,
 Trois roses s’éveillaient sur un buisson des bois,
 L’une était tout en fleur, l’autre venait d’éclore,
 Et la troisième était encore
 Captive en son bouton pour la dernière fois...
 Ces trois roses brillaient sur la même charmille,
 Se balancaient gaiement sur le même rameau
 Et,joyeux rejetons de la même famille,
 Causaient en se mirant dans l’ombre d’un ruisseau.
 Nous vivons peu de jours, mes soeurs, disait l’aînée,
 L’espace d’un printemps nous voit naître et mourir ;
 Il est temps de penser à notre destinée ;
 Voyons, que feriez-vous si vous pouviez choisir ?
 Pour moi, je me croirais parfaitement heureuse
 Si, loin de ce buisson, je partais de céans
 Pour aller dans un bal, en toilette pompeuse,
 Briller d’un noble éclat aux cheveux odorants
 D’une belle de dix-sept ans !
 Oh ! puisse le bon Dieu, s’écria la cadette,
 Me garder d’un tel sort qui ferait mon malheur !...
 Loin de ces tristes lieux, comme vous, je regrette
 De ne pouvoir partir...Mais croyez bien, ma soeur,
 Que ce n’est point le bal que d’ici je contemple.
 Oh ! non : tout mon bonheur, en partant de céans,
 Serait d’aller fleurir pour Dieu seul dans son temple,
 Et mêler mon parfum au parfum de l’encens..."
 Hélas, de quel espoir je m’étais abusée !
 Répartit la dernière en entendant ses soeurs.
 (Et de son sein naissant deux gouttes de rosée
 Tombèrent lentement, semblables à des pleurs.)
 Quoi ! vous voulez briser ma si chère espérance,
 Moi qui croyais toujours rester auprés de vous ?
 Car vivre et puis mourir aux lieux de ma naissance,
 tel est mon désir, mon projet le plus doux.
 Oh ! voir toujours ce ciel, ces bois, cette onde pure ;
 Entendre tous les soirs le chant de ces oiseaux ;
 Répandre mon parfum dans l’air, dans la nature,
 Voilà mes bonnes soeurs, mes rêves les plus beaux !..."
 Alors trois autres soeurs (c’étaient trois jeunes filles)
 Passèrent prés du bois en se donnant main.
 Elles couraient gaiment tout le long des charmilles,
 Et prés de ce buisson s’arrêtèrent soudain.
 L’une d’elles ceuillit la rose la plus belle,
 Et rentra pour finir sa toilette du soir .
 L’autre cherchait des fleurs pour orner sa chapelle ;
 Et la seconde rose orna son reposoir.
 Mais la troisième soeur, contemplant sur la branche
 Le modeste bouton resté seul au rosier,
 Respecta sa corolle et si rose et si blanche,
 Puis reprit du chemin du château le verdoyant sentier.

Journal des Roses 1889

Pierre Jean Hyacinthe Adonis Galoppe-Donquaire, connu sous le pseudonyme de Cléon Galoppe d'Onquaire, naquit le 16 avril 1805 à Montdidier (Somme) et décéda le 9 janvier 1867.

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