Chanson allégorique. Adressée en 1793, à S.A.R. Madame, alors détenue dans la prison du Temple.
Air : Au fond d’une sombre vallée
Au milieu de cent fleurs nouvelles,
Brillantes filles du printemps,
Le Zéphir, agitant ses ailes,
Promenait ses voeux inconstans ;
Une jeune et timide Rose
Le séduisit par ses couleurs ;
Sur un trône elle était éclose ;
Il la nomma Reine des fleurs.
A chaque instant la fleur royale
Fait briller de nouveaux appas ;
Zéphir n’a point vu son égale,
L’Amour ne la trouverait pas.
Un lis, grandissant auprés d’elle,
L’appuyait de son long rameau :
La Rose en paraissait plus belle,
Et lui-même il semblait plus beau !
Bientôt la nature s’affige ;
On entend l’Aquilon jaloux ;
Du lis il fait ployer la tige,
Et la brise dans son courroux,
Hélas ! que deviendra la Rose ?
Elle a perdu son seul appui !
Charmante fleur ! à peine éclose,
Ton soutien t’entraîne avec lui.
Un cyprés du Lis prend la place ;
Zéphir s’enfuit épouvanté,
Et l’orgueilleux Cyprés menace
La fleur qui tremble à son côté
Flore en gémit ; elle s’oppose
Aux progrés de l’arbuste ingrat,
Et l’on voit le Lis et la Rose
Reparaître avec plus d’éclat.
Armand Gouffé
Almanach des Dames 1816